REQUETE POUR PRÉSERVER L'ÉCOLE SAINT-FRANÇOIS-XAVIER (2003)

Publié le par yvanmroy

Cap-Rouge, le 10 février 2003

 

M. Jean Garon, maire

Conseil de ville de Lévis

2175, chemin du Fleuve

Lévis,     QC

G6W 7W9

 

 

Objet :  Requête concernant l’école Saint-François-Xavier  ( Îlot Saint-Gabriel ).

             

 

Monsieur,

 

La présente requête est adressée au Conseil de la ville de Lévis à qui le législateur a donné juridiction en matière conservation et mise en valeur du patrimoine urbain. La requête porte sur la première école centrale de Lévis, connue sous le nom d’école Saint-François-Xavier, dans le périmètre du Vieux-Lévis. La requête a pour objet de demander au conseil de ville de prendre toutes les mesures prévues par la loi, notamment la Loi sur les biens culturels, afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur de l’école Saint-François-Xavier.

 

En premier lieu, je voudrais d’abord préciser mon intérêt : J’ai été un des nombreux écoliers qui ont fréquenté l’école Saint-François-Xavier durant les années 50’. Quand fut construite cette école en 1906, mon grand-père Adjutor Roy a participé aux décisions concernant la mise en chantier de cette école alors qu’il était secrétaire-trésorier de la Commission scolaire de Lévis. 

 

Je considère que l’école Saint-François-Xavier a une valeur patrimoniale associée de manière étroite à celles de l’Église Notre-Dame et de son presbytère, du Collège, du Couvent, de l’Anglicane, du premier hôpital et de la Caisse populaire de Lévis (maison Desjardins).

 

LES FAITS :

 

A)    Les années 1950 : La majorité des écoliers de Lévis qui fréquentaient l’école Saint-François-Xavier il y a 50 ans étaient issus du milieu ouvrier. Les écoliers y faisaient un excellent apprentissage des connaissances de base : lecture, écriture, arithmétique, histoire et religion. Sous la supervision des institutrices, les écoliers jouaient à la balle-molle l’automne, et l’hiver, au ballon. Tôt au printemps, on y jouait aux billes, puis retour à la balle-molle. En bref, c’était l’apprentissage des connaissances et de la vie en société. Une petite bibliothèque facilitait la sortie de livres. Les écoliers étaient invités à participer à la caisse scolaire par le programme de « L’épargne du sou ».

 

B)    Les années 1900 : Depuis la fondation en 1862 de la Commission scolaire de Lévis, les écoliers fréquentaient des écoles d’arrondissement  nommées « Grand-Tronc », « Chantier Russell », « Côte-du-Passage », « rue St-Onésime », « rue St-Julien » et « Couvent ». Vers 1900, les officiers supérieurs percevaient les écoles de Lévis comme malsaines et désuètes, à part le « Couvent ».  En 1904, l’inspecteur d’écoles Louis-A. Guay compara les écoles des comtés de Lévis, de Beauce et de Dorchester. Sur 25 municipalités, Lévis obtint l’excellente note de 25.9 sur 30 pour la pédagogie. Par contre, Lévis se mérita la note de 15.3 sur 30 pour ce qui est des bâtisses, du mobilier et des salaires. L’année suivante, le surintendant de l’Instruction publique menaçait de retrancher la subvention du gouvernement si les commissaires ne se mettaient pas « en règle avec les prescriptions de la loi et des règlements ».[1]

 

Le conseil des commissaires réfuta plusieurs des allégations de l’inspecteur Guay, mais il décida quand même la construction d’une école centrale conforme aux prescriptions de la loi. Les commissaires firent passer la taxe foncière du simple au double et ils empruntèrent 25 000 $ pour financer les travaux. On donna le nom de Saint-François-Xavier à la nouvelle école[2].

 

En même temps que la décision se prenait de fermer les petites écoles au profit de l’école centrale, un projet novateur était mis en application auprès des écoliers. Durant l’année scolaire 1906-07, les instituteurs et institutrices des écoles de Lévis avaient accepté de participer à un programme d’épargne lancé auprès des écoliers par la Caisse populaire de Lévis. Les caisses scolaires et « L’épargne du sou » furent expérimentées dans les écoles de Lévis et l’école Saint-François-Xavier en fut l’école pilote. La réponse fut plus qu’encourageante. Le programme se poursuit encore aujourd’hui au Québec et au Canada.

 

Comment les commissaires d’écoles de Lévis auraient-ils pu ne pas être favorable à un tel programme dans les écoles de leur juridiction? Le conseil en 1906-07 était composé de personnes qui, le 6 décembre 1900, avaient toutes signé l’acte de fondation de la Caisse populaire de Lévis : François-Xavier Gosselin, président et curé de Lévis, Joseph Carrier, Joseph Verreault, Jean Turgeon, Napoléon Lamontagne, Adjutor Roy, secrétaire-trésorier, Théophile Carrier, assistant secrétaire-trésorier.[3]

 

Les commissaires appuyaient donc sans aucune réserve les initiatives d’Alphonse Desjardins. La résolution que nous tirons de la réunion du conseil du 2 juillet 1907 en apporte la meilleure preuve :

           

Il est décidé unanimement à la demande de M. Alphonse Desjardins – gérant de la « Caisse populaire de Lévis »  -  que les commissaires d’écoles de la ville de Lévis souscrivent dix parts à la dite Caisse, le secrétaire-trésorier de la commission est chargé de faire les versements en un seul paiement de ces dites parts ou actions. 

 

[signé] Théophile Carrier, assistant secrétaire-trésorier

 

 

CONCLUSION :

 

La première école centrale de Lévis connue sous le nom de Saint-François-Xavier est associée à l’instruction et l’éducation de milliers de Lévisiens issus du milieu ouvrier. L’architecture est modeste du fait qu’elle était destinée aux fils d’ouvriers.  L’école est également associée à la libération économique du peuple Québécois. À mes yeux, cette école a une valeur patrimoniale spéciale, et cette valeur est tout aussi importante que celles de l’Église Notre-Dame et de son presbytère, du Collège, du Couvent, de l’Anglicane, du premier hôpital et de la maison Desjardins.

 

Pour ces raisons, je demande au Conseil de la ville de Lévis de prendre toutes les mesures nécessaires prévues par la loi, notamment la Loi sur les biens culturels, afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur de l’école Saint-François-Xavier. Je souhaite que le conseil puisse impliquer les forces du milieu afin de trouver une nouvelle vocation à cet immeuble patrimonial.

 

Je vous remercie, M. le maire, de votre attention et en terminant, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

 

 

Yvan-M. Roy, avocat

 

 

C.c. : M. Anicet Gagné, Commission scolaire des Navigateurs

         M. Clément Samson, Caisse populaire de Lévis

         M. Gaston Cadrin, GIRAM

 



[1] Voir en Annexe I la lettre de Boucher de la Bruère, surintendant de l’Instruction publique, 27 février 1905.

[2] Architecte Laurenzo Auger; entrepreneurs : David Turgeon ( maçonnerie), Olivier Michaud (menuiserie), Gingras et Nadeau  (plomberie); Jean Turgeon, commissaire (superviseur).

[3] François-Xavier Gosselin fut le premier ecclésiastique à signer les statuts de la Caisse. Théophile Carrier fut le premier civil à signer après les ecclésiastiques. Carrier fut président de la commission de crédit de 1902 à 1932. Cyrille Vaillancourt a reconnu que Théophile Carrier fut le bras doit d’Alphonse Desjardins. Le seul avis juridique contemporain à la fondation de la Caisse populaire de Lévis est attribué au notaire Adjutor Roy. Joseph Verreault  fut vice-président de la Caisse populaire de Lévis de 1901 à 1920.

 

ANNEXE 1.

 

 

Lettre du 27 février 1905 de Boucher de la Bruère, surintendant de l’Instruction publique, aux commissaires d’écoles de la ville de Lévis.

 

 

Québec, ce 27 février 1905

 

Messieurs les commissaires d’écoles catholiques de Lévis.

 

L’examen des derniers bulletins de M. l’inspecteur Guay concernant les écoles de votre municipalité me fait voir : que les salles de classe de l’école « Du Passage » sont mal éclairées et le plancher défectueux en certains endroits; les fondations, planchers, murs, couverture sont en très mauvais état à l’école près de l’église; l’école « Rue St-Onésime est très froide, les fondations, les planchers sont mauvais; l’école du « Grand Tronc » est très froide; pas une seule classe ne donne les 150 pieds cubes d’air respirable réglementaire aux élèves; il n’y a aucun système de ventilation aux écoles « Russell »; le mobilier scolaire est déplorable sauf au Couvent.

 

Votre commission scolaire ne s’occupe guère de ses écoles puisqu’elle ne les visite jamais quoique le paragraphe 8 de l’article 215 de la loi de l’Instruction publique l’y oblige.

Il me semble qu’une corporation aussi importante que la vôtre devrait avoir à cœur de tenir en bon état ses écoles afin que les instituteurs et institutrices et les 586 élèves qui les fréquentent puissent trouver un confort qu’ils ont droit d’exiger.

Je regrette cette apathie de votre part et c’est mon devoir d’insister pour l’amélioration de vos écoles et l’observance de la loi et des règlements scolaires.

Votre secrétaire-trésorier a reçu copie des remarques de l’inspecteur, vous devez les considérer sérieusement, ainsi que cet avis, sinon je me verrai dans la stricte obligation de vous retrancher la subvention que vous recevez de mon département.

Vopus devez sans délai convoquer une assemblée de votre commission et par résolution me laisser savoir ce que vous êtes disposés à faire cette année, pour vous mettre en règle avec les prescriptions de la loi et des règlements.

 

J’ai l’honneur d’être, Messieurs, votre obéissant serviteur,

 

Boucher de la Bruère,

Surintendant. 

 

 

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